Homélie du dimanche santé à Rousies

par Michel Bornat, diacre et médecin; avec le témoignage de Sabrina, infirmière.

medecin Prendre soin … c’est le thème choisi cette année pour ce dimanche de la santé.

Prendre soin : il ne s’agit pas seulement de soigner, dans la routine des actes techniques mais de poser un acte réfléchi, imprégné de l’homme total, corps bien sur, mais aussi  âme et esprit ; un acte qui rend toute la dignité au soigné et par là même au soignant « Ne néglige pas de prendre soin des malades ; pour de tels actes de charité, tu seras aimé de Dieu » (Si 735).

Oui, ce « prendre soin » n’est pas véritable s’il n’est imprégné de compassion, et même blessant s’il ne prend en compte l’homme en sa réalité complète. « Qui donc est Dieu qu’on peut si fort blesser en blessant l’homme » ; Jésus dans l’Evangile de Marc guérit et restitue la belle-mère de Simon.

Le prendre soin doit inclure le besoin spirituel du soigné. Il s’agit simplement d’être à l’écoute, de permettre l’expression tout comme de respecter le silence du malade, dans une ambiance qui nous dépasse, qui dépasse la réalisation de la technique. Ce qui est en jeu c’est la vie du souffrant dans toutes ses dimensions. Nous devons permettre au malade de s’ouvrir que ce soit aux soignants, qui sont souvent pressés par le temps, ou à la dame qui effectue le ménage de sa chambre ; nous devons respecter ses rites et qu’il ne soit pas dérangé … dans la mesure du possible.

Ces attitudes ne peuvent se vivre sans être imprégnés d’amour de l’autre. Et nous ne pouvons donner que ce que nous possédons ; nous avons, nous aussi, à travailler à notre unité intérieure, à prendre soin de nous afin d’être en capacité d’ « aimer son prochain comme soi-même » et d’être soignant en vérité.

Le prendre soin de l’homme total, le rétablit dans sa dignité et il remet en service.

Dans l’Evangile de Marc que nous venons de lire, Jésus est tout imprégné de l’amour du Père : il passe, du temps de la prière à la synagogue, au prendre soin de la belle mère de Simon, et retourne à nouveau en prière. Il remet en service, mais il est toujours présent, imprégné de la source d’amour du Père.

 

« Témoignage Sabrina »

 

 

médicaments Beaucoup le savent. J’ai travaillé pendant 6 ans avec des malades dit « psychiatriques » ; un terme qui, à lui seul, a le don de vous fermer les portes. Parce que ce genre de maladie fait peur, encore aujourd’hui.

Quand je disais ou je travaillais, on me disait souvent « ah, mais tu l’as choisi ? ». Et je répondais souvent avec humour « Oui Oui, je n’ai pas été punie. Et j’aime beaucoup mon travail ».

 

Depuis quelques mois, j’ai choisi de travailler dans une unité pour anxio-dépressif. Pas plus gai me direz vous. Mais tellement passionnant !

Quand arrive quelqu’un dans votre bureau qui vient de vivre une séparation, un deuil, qui vient de perdre son emploi. Et parfois les trois cumulés.

Quand quelqu’un veut en finir avec cette vie, devenue insupportable, comme celle de Job qui n’en peut plus. Et qui demande « Pourquoi ? »

Quelqu’un qui, au fond, vous ressemble parce que chacun d’entre nous a vécu (ou vivra) tel ou tel évènement douloureux.

Et que vous savez que votre rôle va être d’accompagner cette souffrance, d’être cette oreille attentive dont ils ont besoin : à la fois discrète et en même temps, pleine d’empathie et d’encouragement pour rappeler que ça vaut la peine de se relever.

Et ça prend parfois beaucoup de temps… Essayer, jour après jour, nuit après nuit (et Dieu sait que la nuit a son poids d’angoisse) d’accompagner, d’aider à comprendre et surtout essayer d’avancer…

 

Cela a quelque chose d’extraordinaire quand un autre (quelque peu semblable à vous) vient vous confier sa vie. Et parfois, devant telle ou telle histoire de vie, les mots d’abord s’effacent pour entendre la souffrance.

Ça commence par là  « prendre soin de l’autre » : c’est d’abord le reconnaitre en tant que personne et écouter ce qu’il a à nous dire.

 

Un jour, à Lourdes, (ou je vais souvent) je lisais cette phrase d’une jeune trisomique qui surplombe l’entrée du pavillon des malades :

« Les gens dans la rue m’appelle mongolienne

Les médecins disent que je suis trisomique

Mes amis m’appellent Caroline ».

Belle leçon : Ne pas réduire l’autre à une maladie, à un numéro de chambre ; c’est ça aussi prendre soin .

 

Alors je ne cache pas que parfois, c’est vers l’Esprit saint que je me tourne pour savoir quelle attitude adopter, quelle parole dire ou ne pas dire. Parce qu’on se sent parfois bien petit.

Croire en cet Amour de Dieu qui n’a de cesse de nous ramener à lui. Et de nous demander, quand tout va mal « Dans quel endroit de ta vie, dans quel recoin de ton cœur, veux tu que je vienne te visiter ? ». « Que veux tu que je fasse pour toi ? » dit-il à l’aveugle Bartimée. Infiniment respectueux comme proposition…
 

Et en même temps, je crois que c’est ce qui nous grandit ; ce qui, en tous cas, me fait grandir et fait grandir ma foi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sabrina vient de nous témoigner d’où elle puise la source d’amour qui fait du soin un sacrement, qui relève et rend l’homme … digne.

Comme Jésus nous sommes invités à ce ressourcement, pour vivre notre quotidien. Vécu comme tel, ce service du prendre soin, être au service de l’autre dans l’amour, est qualifié de royal en Eglise car il est sacrement : signe de l’amour de Dieu.

Cette fonction royale est celle de tout baptisé, de tout baptisé que Dieu toujours présent, accompagne dans ses actes de chaque jour, en particulier aujourd’hui, dans le service du prendre soin.

Le prêtre ne rend-il pas grâce à chaque prière eucharistique en disant « Tu nous as choisis pour servir en ta présence »

Je vous laisse à cette joie : « Tu nous as choisis pour servir en ta présence »

Amen

Publié le Lundi 09 février 2009 • 7658 visites

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