À la découverte de l'Apocalypse (6)

APOCALYPSE

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Jeudi 28 Avril 2016

L'Apocalypse dans la liturgie et la théologie

Raismes

 

Et celui qui donne ce témoignage déclare : « Oui, je viens sans tarder. » – Amen ! Viens, Seigneur Jésus ! Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous ! (Apocalypse 22, 20-21) Les dernières lignes de l’Apocalypse sont un appel à la venue du Christ. Cette conviction a habité le coeur des premières générations de chrétiens convaincus de l’imminence de cet événement. Puis le temps s’est écoulé, émoussant l’espérance du retour du Christ.

 

L’Église et les théologiens n’ont jamais cessé en partant du passé et des textes bibliques de réfléchir sur l’avenir. Qu’adviendra-t-il de chacun de nous ? Qu’adviendra-t-il du monde ? Qu’adviendra-t-il du Christ ? 

 

Les paroles du prophète Isaïe : Le pouvoir s’étendra, et la paix sera sans fin pour le trône de David et pour son règne qu’il établira, qu’il affermira sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Il fera cela, l’amour jaloux du Seigneur de l’univers ! (Is 9,6) continuent d’alimenter notre réflexion et de rendre actuelle la question : Comment et quand Dieu nous fera-t-il entrer dans des temps nouveaux, dans lesquels le droit et la justice, la paix et la sécurité seront réalisés ? 

 

Et les paroles de l’apôtre Paul : Le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. (1 Corinthiens 15, 21-23) de nourrir l’interrogation, quand et comment Dieu nous donnera-t-il la vie quand nous serons morts ?

Nous avons vu lors de notre première rencontre, les formes qu’a pris cette attente avec le millénarisme et comment l’Église les a combattues. Mais nous pouvons nous demander ce qu’il restait dans la théologie de l’Église, dans sa vision de Dieu et du monde, ce qu’il restait de l’eschatologie, de l’attente du retour du Christ mises à l’épreuve du temps qui passe, des siècles qui s’écoulent. Attendons-nous le retour du Christ avec autant de ferveur aujourd’hui qu’à l’époque de saint Paul ?

 

Quand on regarde l’histoire de la théologie, on voit comment l’eschatologie, la question du retour du Christ a cesser d’être centrale, s’est marginalisée, est devenue un chapitre parmi tant d’autres des livres de théologie. Mais après un long temps d’effacement, on peut parler au 20ème siècle d’un grand retour de l’eschatologie dans la théologie. Ce retour nous intéresse car il va changer notre lecture du livre de l’apocalypse, il va nous permettre une compréhension différente.

 

Ce retour commence à la fin du 19e siècle. À partir des évangiles, des biblistes tentent d’écrire des vies de Jésus. Mais quel Jésus ? Est-il un «Jésus éthique» qui se caractérise par le message d’amour qu’il porte ? Un de ces biblistes est un homme dont le nom doit être connu par les plus anciens d’entre-nous : Albert Schweitzer, né en 1875 à Kayserberg en Alsace, mort en 1965 à Lambaréné au Gabon. Médecin, pasteur et théologien protestant, philosophe, organiste, il écrit une vie de Jésus. En 1900, il soutient une thèse de théologie consacré à Jésus tel qu’il est présenté dans les évangiles de Marc et Matthieu qui sont alors considérés comme les deux seuls fiables pour une étude historique de la vie du Nazaréen. Schweitzer nous présente un Jésus eschatologique qui vivait dans l’attente de la fin du monde et de l’avènement du royaume de Dieu. 

 

On peur relire avec Schweitzer, le sermon sur la montagne : Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux.   Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. (Matthieu 5,13-18). Jésus est dans l’attente de la fin des temps et il invite chacun à se tenir prêt. Schweitzer dans son livre de 1906 «Histoire de la recherche sur la vie de Jésus» le présente ainsi : «Il vient à nous comme un inconnu anonyme, de la même façon que sur la rive du lac il s’approchait de ces homes qui ignoraient qui il était. IL prononce la même parole : Suis-moi !, et il nous met devant les tâches que notre époque doit remplir. Il commande et à ceux qui lui obéissent, savants ou ignorants, il se manifestera en tout, ce qu’ils ont pu éprouver avec lui, paix, action, lutte et douleur et il leur apprendra comme un secret indicible qui il est.»

 

Un des buts de Schweitzer était de rendre au message chrétien sa dimension eschatologique qui s’était effacée avec le temps. Une nouvelle étape dans cette reconquête de l’eschatologie, c’est la publication en 1944 par un autre théologien protestant, Jurgen Moltmann (1926-....) d’un livre intitulé «Théologie de l’espérance» dont le sous titre est «Recherche sur les fondements et les implications d’une eschatologie chrétienne». 

 

Pourquoi, théologie de l’espérance ? L’espérance, c’est une des trois vertus théologales avec la foi et la charité. Les vertus théologales ce sont les vertus qui guident les hommes tant dans leur rapport au monde que dans leur rapport à Dieu. Chacun nous sommes appelés à vivre la foi, l’espérance et la charité. D’où nous viennent ces 3 mots rassemblés de Saint Paul et de la première lettre aux Corinthiens. Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité. (1 Corinthiens, 13,12-13)

 

Jurgen Moltmann lui donne la primauté à l’espérance, reprenant le grand théologien de la réforme Jean Calvin. La foi implique l’espérance : sans espérance, en effet, la foi tiédit et meurt. Sans l’espérance, la foi au Christ apporte une connaissance qui ne durera pas et qui ne portera pas de fruits. mais sans la foi l’espérance se réduit à une utopie avec toutes les dérives que nous avons vues en étudiant le milénarisme.

 

Moltmann commence sa recherche par l’Ancien Testament. IL présente la religion d’Israël comme une religion de la promesse. Une promesse qui vient à de nombreuses reprises. On peul lire celle que Dieu fit à Jacob : Le Seigneur se tenait près de lui. Il dit : «Je suis le Seigneur, le Dieu d’Abraham ton père, le Dieu d’Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je te la donne, à toi et à tes descendants. Tes descendants seront nombreux comme la poussière du sol, vous vous répandrez à l’orient et à l’occident, au nord et au midi ; en toi et en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre. Voici que je suis avec toi ; je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai sur cette terre ; car je ne t’abandonnerai pas avant d’avoir accompli ce que je t’ai dit.» (Genèse 28, 13-15)

 

Mais quand cette promesse qui traverse tout l’Ancien Testament prend-t-elle une dimension eschatologique ? Pour Moltmann, c’est quand la promesse change de dimension dans la géographie et dans l’histoire. Dans la géographie, la promesse n’est plus seulement pour Israël , elle devient universelle, étendue à toutes les nations. Dans histoire, la promesse ne se limite à un moment particulier de l’aventure humaine. On ne pourra pas dire que la promesse est accomplie le jour ou seront vaincues la faim et la pauvreté, l’humiliation et les injures, les guerre et la croyance en une multitude de Dieu. La promesse va plus loin. Elle devient radicale. Elle annonce la victoire sur la mort. L’horizon de l’histoire humaine n’est plus la mort, l’horizon va plus loin, au delà. Le Seigneur de l’univers... fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé (Isaïe 25,6- 8). Tes morts revivront, leurs cadavres se lèveront. Ils se réveilleront, crieront de joie, ceux qui demeurent dans la poussière, car ta rosée, Seigneur, est rosée de lumière, et le pays des ombres redonnera la vie (Isaïe 26,19).

 

Et voici que vient Jésus. Il reprend les promesses de l’Ancien Testament. Il les valide et les dépasse. Désormais l’eschatologie nous parle du Christ et de son avenir. Chaque être humain est habité par la question que posait Emmanuel Kant : «Que m’est-il permis d’espérer». La réponse de Dieu, c’est la résurrection au matin du jour de Pâques. Par la résurrection du Christ s’ouvre un avenir pour l’humanité. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé (Marc 16,5-6).

 

Article publié par André-Benoît DRAPPIER • Publié le Mardi 16 février 2016 • 1907 visites

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