Homélie du dimanche 18 Janvier 2015

Les textes bibliques que nous offre la liturgie ce matin aident à réfléchir au rapport de notre religions avec la violence. Je vous invite à les relire ensemble afin de nourrir notre réflexion et notre capacité à répondre.

Dimanche 18 Janvier 2015
Homélie du 2e dimanche du temps ordinaire
Rousies - Elesmes - Maubeuge Sacré Coeur

 

7, 8 et 9 janvier 2015 : 3 journées où le terrorisme islamique a frappé la France faisant 17 victimes. 10 et 11 janvier : plusieurs millions de personnes sont descendues dans la rues pour dire leur horreur et leur volonté que vivent les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité.

 

Tant de choses ont été dites au cours de ces journées, dont le refus de l’amalgame entre l’Islam et le terrorisme. Beaucoup d’entre-vous partagent ce refus. Mais ne faut-il pas aller plus loin dans la réflexion ? Ce n’est pas seulement l’Islam qui est mis en cause mais toutes les religions y compris la nôtre, accusées, par certains, d’être facteur de violence dans l’histoire de l’humanité. Peut-être, vous est-il déjà arrivé d’avoir à faire face à une telle accusation. Peut-être, vous est-il déjà arrivé qu’on vous lance à la figure les croisades, l’inquisition... Qu’ est-ce que vous avez répondu ?

 

Les textes bibliques que nous offre la liturgie ce matin aident à réfléchir au rapport de notre religions avec la violence. Je vous invite à les relire ensemble afin de nourrir notre réflexion et notre capacité à répondre.

 

Commençons par une première question : y a-t-il de la violence dans la Bible ? Oui ! On peut citer quelques passages : Caïn qui tue son frère Abel au livre de la Genèse,  ; Dieu qui fait mourir les premiers-nés de l’Égypte la nuit de la Pâque au livre de l’Exode ; le massacre des 400 prophètes de Baal par le prophète Élie sur la montagne de l’Horeb dans le premier livre des Rois. Et Jésus mis à mort sur une croix.

 

Les hommes et les femmes de la Bible vivaient dans des sociétés violentes où la vie humaine a peu de prix à cause des guerres, des maladies, des crises alimentaires qui menaçaient trop souvent les populations.

 

C’est dans ce contexte précaire, difficile que la Bible fait entendre la voix de Dieu, une voix qui ouvre de nouveaux chemins. Relisons ensemble le psaume 39 : D’un grand espoir, j’espérais le Seigneur : il s’est penché vers moi. En ma bouche il a mis un chant nouveau, une louange à notre Dieu. Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice...

 

Qu’est-ce que c’est que les offrandes et sacrifices dont il est question ici ? C’est d’abord une allusion au culte dans le temple de Jérusalem. Les croyants venaient avec des animaux, des agneaux, des colombes qu’on tuait et faisait rôtir pour les offrir en offrande à Dieu.

 

Mais, nous pouvons aussi lire dans cette phrase, un refus de la violence au nom de Dieu. Qui peut prétendre tuer son prochain pour plaire à Dieu, en sacrifice pour réparer une offense ? Qui peut prétendre au nom de Dieu, tuer des  journalistes, des caricaturistes, des policiers, des juifs ? Qui peut prétendre au nom de Dieu massacrer, enlever, marier de force tant d’innombrables victimes innocentes comme le fait Boko Haram au Nigéria.

 

Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles ; tu ne demandais ni holocauste ni victime... Pas de jihad, pas de croisades, pas de guerres saintes ! Le psaume 39 nous ouvre un tout autre chemin : alors j’ai dit : « Voici, je viens. « Dans le livre, est écrit pour moi ce que tu veux que je fasse. Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles. » Vois, je ne retiens pas mes lèvres, Seigneur, tu le sais. J’ai dit ton amour et ta vérité à la grande assemblée.

 

J’ai dit ton amour et ta vérité. Pas de jihad, pas de croisades, pas de guerres saintes mais cet appel du psaume 39 à vivre de l’amour de Dieu en ce monde, cet appel que Jésus reprendra au chapitre 13 de l’évangile de Jean : Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres.

 

Vous aussi aimez-vous les uns les autres... Cette parole c’est la voix de Dieu dans la Bible, c’est le coeur du message de Jésus. Ce coeur du message, tant de chrétiens l’ont mis en oeuvre au fil des siècles dans bien des domaines de la vie humaine. On peut citer parmi d’autres les domaines de l’éducation, de la santé, de la solidarité ; les jeunes, les malades, les plus pauvres. C’est au nom du Christ que tant de chrétiens ont consacré et consacrent encore leur vie dans les écoles, les hôpitaux, les lieux de solidarité.

 

Vous aussi aimez-vous les uns les autres... Mais comment faire quand dans la Bible se côtoient des passages de violence et des paroles d’amour, de paix et de justice. Faut-il faire le tri et comment ?

 

C’est là que la première lecture de ce soir, tirée du livre de Samuel, est passionnante. C’est l’histoire d’un jeune garçon que sa mère a confié au temple de Silo. C’est là qu’il grandit, qu’il découvre la vie. Une nuit, Dieu parle à Samuel. Il l’appelle. Mais Samuel ne comprend pas, alors il va réveiller le prêtre qui n’est pas très content d’être tiré de son sommeil : Je n’ai pas appelé. Retourne te coucher. Une fois, deux fois, trois fois puis Éli comprend : que c’était le Seigneur qui appelait l’enfant, et il lui dit : « Va te recoucher, et s’il t’appelle, tu diras : “Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.” »

 

Qu’est-ce que ce texte nous fait comprendre ? Que Samuel pour comprendre la voix du Seigneur a besoin d’être aidé, a besoin qu’Élie le guide. C’est la même chose pour nous. Nous ne pouvons découvrir la Bible que si on nous explique, si on nous guide. Nous avons besoin  de transmission, et pour cela de médiation humaine.

 

Un croyant ne peut pas se débrouiller tout seul avec la parole de Dieu. Que peut donner une lecture littérale, en prenant chaque phrase au pied de la lettre ? Quand vous prenez une phrase, un passage d’un livre saint, vous devez les remettre dans leur contexte, les lire à la lumière de tout le texte biblique, ou de tout le texte du Coran pour nos frères musulmans ; les lire à la lumière de l’histoire en se servant de la sagesse, des découvertes, des interprétations faites par les générations de croyants qui nous ont précédés.

 

Voilà longtemps que dans l’Église catholique, nous avons fait cette révolution : abandonner la lecture littérale, fondamentaliste de la Bible, pour l’étudier, la lire et la relire à la lumière à la foi des temps présents et de la tradition, pour en découvrir les trésors, et accueillir dans nos vies la voix de Dieu.

 

C’est toute l’importance de la catéchèse, du catéchuménat, de la formation pour nos enfants et pour nous les adultes. Comment découvrir Dieu, comment suivre la Parole de Jésus, si nous restons des ignorants ? Ne rien recevoir, ou si peu, expose nos enfants et nous-mêmes au risque de se laisser manipuler par n’importe qui. D’un coté le fondamentalisme religieux, les sectes... de l’autre coté le matérialisme et la société de consommation, l’individualisme et le repli sur soi.

 

Il est vital que le message de l’Évangile soit transmis, vécu. Trop de gens dont les racines étaient dans le christianisme n’ont pas fait les efforts nécessaires de réflexion, de transmission, d’engagement.

 

Au chapitre 1 de l’évangile de saint Jean, il y a là André, un pécheur de Galilée qui marche le long de la mer. Il va suivre Jésus. Il va le suivre grâce à Jean le Baptiste. Jean est pourAndré ce que Eli a été pour Samuel celui qui lui ouvre l’esprit et le coeur, celui qui indique un chemin nouveau, un chemin où rencontrer Dieu. Alors André avec l’un de ses compagnons va suivre Jésus.  Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. »

 

« Venez, et vous verrez. » À notre tour de suivre Jésus, de devenir ses disciples, de nous mettre à son école. Le monde a tant besoin de croyants habités par la Parole de Dieu, habités par la prière, porteurs de toutes les richesses de leur tradition spirituelle. Le monde a tant besoin d’artisans de paix.

 

Il ne faut pas que les millions de gens qui sont descendus dans les rues et tous les autres qui ont été touchés au coeur, par les terribles événements ; il ne faut pas que tous-ceux-là se rendorment ou se découragent. Trouver la paix et la justice sur cette terre demandera un long, un très long chemin. Nous aurons à traverser bien des épreuves, bien des moments difficiles. La Bible nous montre les veilleurs la nuit sur les remparts des cités. Ils guettent l’aurore. Soyons veilleurs, chacun à notre manière, chacun suivant nos traditions spirituelles ou philosophiques.

 

Pour nous chrétiens, être veilleurs, c’est aussi nous engager pour que nos communautés soient des lieux de vitalité et de ressourcement, des lieux où des croyants trouveront ce qui leur est nécessaire pour devenir des disciples de Jésus, pour répondre avec confiance et espérance à l’appel de l’Évangile : « Venez, et vous verrez. »

 

Amen.

Article publié par André-Benoît DRAPPIER • Publié le Mardi 20 janvier 2015 • 2312 visites

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