A la découverte de l'Apocalypse (2)

Seconde matinée de découverte du livre de l'Apocalypse, consacrée cette fois à l'histoire de l'Église primitive durant ce grand demi siècle qui sépare la mort et la résurrection de Jésus de l'écriture de l'Apocalypse.

APOCALYPSE

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Jeudi 10 Mars 2016

De Jésus au livre de l'Apocalypse

Raismes

 

L’Apocalypse - Qui ? Ou ? Quand ?

 

Chaque lecteur de l’Apocalypse est amené à se poser des questions sur l’origine de ce livre. Qui l’a écrit ? Où ? Quand ?

 

Qui l’écrit ? Facile, ouvrez l’apocalypse au chapitre 1, verset 5 : Jean aux sept Églises qui sont en Asie, grâce vous soit donnée et paix de la part de celui qui est et qui était et qui vient, et de la part des sept esprits qui sont devant son trône et de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts et le prince des rois de la terre (Apocalypse 1,5). Mais là où ça se complique, c’est de savoir de quel Jean, il s’agit ? Jean l’apôtre, le fils de Zébédée, le frère de Jacques ; où Jean, l’auteur du quatrième évangile, où un autre Jean encore.

 

Où ? Apocalypse au chapitre 1, verset 9 : Moi Jean, votre frère et votre compagnon dans l'épreuve, la royauté et la persévérance en Jésus, je me trouvai dans l'île appelée Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus (Apocalypse 1,9). Patmos, c’est aujourd’hui une île grecque, en mer Égée, au large de la Turquie ; une petite île, 34 km2, 269 mètres d’altitude, 3000 habitants plus les touristes.

 

Quand ? C’est une question beaucoup plus difficile. Des empereurs romains et des persécutions sont évoquées. Sommes-nous au temps de Néron qui règne de 54 à 68 ou au temps de Domitien, empereur de 81-96 ? Les persécutions sous Néron ont frappé les chrétiens de la ville de Rome. Si le livre de l’Apocalypse évoque Néron, il semble plus correspondre au temps de Domitien qui connut un harcèlement des chrétiens et quelques persécutions ponctuelles. Mais marqué par le souvenir de Néron, l’Apocalypse traduit une forte réaction des communautés chrétiennes d’Asie Mineure.

 

On situe donc généralement ce texte à la fin du premier siècle, une soixantaine d’années après la mort et la résurrection de Jésus, 2 à 3 générations. Pour répondre à la question «quand», il faut raconter ce que nous savons de ces premiers temps de l’Église. Depuis longtemps historiens, archéologues, biblistes travaillent à reconstituer le premier siècle du christianisme, travail difficile, un peu comme un puzzle de 1000 pièces dont on aurait plus que quelques dizaines avec lesquelles il faut tenter de donner une vue d’ensemble.

 

Les pièces de puzzle, ce sont bien sûr les textes du nouveau Testament, mais aussi les apocryphes, et des textes païens ou juifs. Mais de nombreuses communautés chrétiennes, de nombreux évangélisateurs n’ont pas laissé de textes, ou des textes qui ne nous sont pas parvenus. L’histoire du premier siècle de l’église est faîte d’un certains nombres de choses sûres mais aussi de beaucoup d’hypothèses, de reconstitutions. Malgré cela historiens, archéologues, biblistes parviennent à nous tracer un tableau passionnant de l’histoire de l’Église primitive. C’est ce tableau que je vous propose de découvrir ce matin.

 

Pour qui regarde l’histoire de Jésus et de l’Église primitive se pose un certain nombre de questions : Pourquoi le groupe des disciples survit-il à la mort de Jésus plutôt que de disparaître comme bien d’autres groupes qui ne survivent pas à leur leader ? Comment passe t-on de Capharnaüm,  Jéricho et Jérusalem, les lieux que parcourt Jésus, à Corinthe, Thessalonique, Rome, ces cités immenses où bientôt le message de Jésus sera annoncé ? Comment est ce-qu’on passe de ce monde juif rural, où vivent Jésus et ses disciples, fait de villages et de petites villes au monde des grandes citées païennes de la Méditerranée ? Comment le message de Jésus va changer de langue, de culture, de religion. Nous nous interrogerons aussi sur la variété des formes de christianisme qui se développent.

 

Aujourd’hui s’accomplit l’Écriture

 

Revenons peu avant l’année 30, là où tout commence, au bord du lac, dans la synagogue de Capharnaüm, dans la maison de Pierre, dans le désert. Suivons les pas de Jésus sur les chemins de Galilée. Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti (Marc 1,38).

 

Intéressant de lire ce début de l’évangile de Marc, de regarder ce que fait Jésus. Il appelle des disciples à le suivre, il enseigne dans les synagogues, il chasse les démons, guérit les malades, se retire dans des endroits déserts pour prier. Et il donne sens à tous ces gestes en annonçant la venue du règne de Dieu : il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » (Marc 1,38).

 

Avec ces mots, nous sommes au coeur de la prédication de Jésus : l’annonce du royaume de Dieu. C’est à dire que Dieu vient transformer l’univers et détruire le mal. Jésus n’est pas le premier à annoncer le règne de Dieu. Parmi d’autres textes de l’Ancien Testament, on peut ouvrir le livre de Daniel au chapitre 7. Daniel écrit probablement deux siècles avant Jésus. Je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme... Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite... La royauté, la domination et la puissance de tous les royaumes de la terre, sont données au peuple des saints du Très-Haut. Sa royauté est une royauté éternelle, et tous les empires le serviront et lui obéiront.” » (Daniel 7,13-14)

 

Daniel annonce le règne de Dieu pour des temps futurs. L’originalité, la nouveauté de Jésus est de nous dire que le royaume est déjà commencé dans ce monde à travers ses propres actions. Quand Jésus entre dans la synagogue de Nazareth, on lui tend le livre d’Isaïe. Il en lit ces lignes : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur (Luc 4,18-19).

 

La description que fait Luc de ce moment est extraordinaire. Chaque lecteur est avec les gens de Nazareth dans la synagogue et retient son souffle : Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » (Luc 4,120-21).

 

Aujourd’hui s’accomplit l’Écriture... Dans l’Ancien Testament Dieu a deux attributs : la justice et la miséricorde. La justice est exprimée dans ce passage de Jérémie (22,1-5) : Ainsi parle le Seigneur : Descends à la maison du roi de Juda, et là, tu prononceras cette parole. Tu diras : Écoute la parole du Seigneur, roi de Juda qui sièges sur le trône de David, toi, tes serviteurs et ton peuple, vous tous qui entrez par ces portes. Ainsi parle le Seigneur : Pratiquez le droit et la justice, délivrez l’exploité des mains de l’oppresseur, ne maltraitez pas l’immigré, l’orphelin et la veuve, ne leur faites pas violence ; et ne versez pas en ce lieu le sang de l’innocent. Si vous accomplissez cette parole, alors des rois siégeant sur le trône de David entreront par les portes de cette maison, montés sur un char attelé de plusieurs chevaux, chacun avec ses serviteurs et son peuple. Mais si vous n’écoutez pas ces paroles, j’en fais serment par moi-même – oracle du Seigneur –, cette maison ne sera plus qu’une ruine. (Jérémie 22,1-5). Dieu de justice mais aussi Dieu de miséricorde, comme nous le fait découvrir le livre d’Osée (11, 9-10) : Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer (Osée 11, 9-10).

 

Jésus porte la miséricorde de Dieu à tous et plus particulièrement aux pécheurs qui voulaient l’accepter : Voyant cela, les pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? » Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » (Matthieu 9,11-13)

 

Tout est accompli... Le temps de la mission  

 

Le Jésus qui va rentrer en conflit avec les prêtres du Temple, c’est celui-là, celui qui annonce la venue du règne de Dieu et la miséricorde. Ce conflit apparaît au long des évangiles et il va mener à la croix et au tombeau. Tout est accompli... Ces derniers mots de Jésus sur la croix auraient du signifier tout est fini. Ses disciples auraient du se disperser comme ceux qui rentrèrent chez eux par le chemin d’Emmaüs, son souvenir s’estomper et disparaître comme un certain nombre de soi-disant messie, avant lui..

 

Mais rien de cela ne se produit. Et quand Pierre et Jean, au début du livre des Actes des Apôtres comparaissent devant le Sanhédrin, l’assemblée du peuple juif, son tribunal suprême, ils ont ces mots : Est-il juste devant Dieu de vous écouter, plutôt que d’écouter Dieu ? À vous de juger. Quant à nous, il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu (Actes 4,19-20). Jésus s’est entouré d’un groupe de disciples dont les évangiles donnent une image contrastée, s’ils passent souvent comme des gens qui ne comprennent rien, Jésus passe avec eux beaucoup de temps pour les instruire, les former, les envoyer en mission.

 

Ce groupe va connaître une crise profonde avec la mort de Jésus avant de renaître à une vie nouvelle et de porter le message de Jésus au monde. Paul témoigne de cette expérience dans la première lettre aux Corinthiens : Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze ; ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont endormis dans la mort –, ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il est même apparu à l’avorton que je suis. (1 Corinthiens 15,3-8). Ils sont dans l’attente des temps nouveaux où Dieu changera la condition des pauvres et des exclus, un temps qui sera marqué par le retour dans la gloire de Jésus, ce qu’on appelle la parousie.

 

Prédicateurs itinérants et maisons d’Évangiles

 

Les années passeront sans qu’arrive la parousie, ce qui amènera les disciples du Christ à adapter leur message. À l’imminence du Royaume de Dieu succède une adaptation temporaire au monde qui passe par la mission, dans les conditions indiquées par Jésus : La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.” S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” (Luc 10,3-9). De petits groupes de missionnaires charismatiques partiront sans moyens matériels marqués par la confiance en Dieu et l’urgence de la tâche.

 

Mais à côté de ces prédicateurs itinérants, il existe des groupes sédentaires. Jésus prophète itinérant est passé dans de nombreux lieux. Tant en Galilée qu’en Judée, de nombreux petits groupes ont conservé sa mémoire et sont devenus des foyers d’évangile. Il ne faut donc pas imaginer une mission unique, partant du groupe des 12 et de Jérusalem, mais des groupes très divers faisant vivre la parole de Jésus.

 

Pour une partie de ses groupe l’intervention attendue de Dieu sur cette terre a eu lieu avec la résurrection de Jésus. C’est l’événement qui ouvre des temps nouveaux, des temps d’une durée indéterminée. Seul Dieu connaît le jour et l’heure. Ce temps indéterminée est un temps utile, un temps servant à la diffusion de l’Évangile.

 

Si les missionnaires itinérants existeront jusqu’au début du IIe siècle comme l’indique un des plus anciens textes chrétiens, la Didaché, ce sont les maison, les oïkos, groupe familliaux élargis  qui vont devenir les vrais piliers de la foi en Jésus Christ. Paul en témoigne souvent dans ses lettres : J’ai aussi baptisé Stéphanas et les gens de sa maison. (1 Corinthiens 1,16) - Les Églises de la province d’Asie vous saluent. Aquilas et Prisca vous saluent bien dans le Seigneur, avec l’Église qui se rassemble dans leur maison. (1 Corinthiens 16,19). Dans une même ville, on trouvera plusieurs églises de ce type.

 

Dans ces maisons, la mémoire de Jésus se transmet de générations en générations. Papias raconte vers l’année 120, que dans sa ville, existait un cercle familial lié aux filles de Philippe, l’un des sept diacres. C’est dans ces maisons que les premiers chrétiens se rassemblaient pour les liturgies, pour célébrer le repas du Seigneur. De telles maisons existaient déjà au temps de Jésus. À Jérusalem et aux environs, les évangiles nous parlent de la maison de Simon le Lépreux, de celle de Lazare, Marthe et Marie, et de celle qui fut prêtée pour le repas de la dernière scène. C’est dans ces milieux que très vite a du se former et se transmettre le récit de la passion et de la mort de Jésus.

 

La première communauté de croyants en Jésus à Jérusalem

 

À quoi ressemblait le communauté chrétienne de Jérusalem dans les années qui ont suivi la mort de Jésus ? Nous le savons par les Actes des Apôtres qui ont été écrit longtemps après. Nous le savons par Paul qui est un témoin direct et qui en parle dans ses lettres où il nous décrit la première communauté dirigée par Jacques, pas l’apôtre mais le frère de Jésus, par Pierre et par Jean le fils de Zébédée : Ayant reconnu la grâce qui m’a été donnée, Jacques, Pierre et Jean, qui sont considérés comme les colonnes de l’Église, nous ont tendu la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion, montrant par là que nous sommes, nous, envoyés aux nations, et eux, aux circoncis (Galates 2,9). 

 

La communauté de Jérusalem comporte des groupes différents, celui de la famille de Jésus et celui des disciples. Mais il existe d’autres différences comme celle de la langue et même de la religion. 

 

La première communauté de croyants en Jésus à Jérusalem, c’est une secte messianique juive, qui reconnaît en Jésus le Messie. On y parle l’araméen. Mais le message s’est étendu à d’autres. Il y a Jérusalem des juifs de langue et de culture grecque qu’on appelle les Hellénistes. Ils sont originaire de la diaspora, tous ces juifs que les vicissitudes de l’histoire ont conduit à s’installer dans les pays bordant la Méditerranée et jusqu’à Babylone. Certains allaient à Jérusalem en pèlerinage, d’autres venaient y vivre leurs dernières années. Ils apparaissent dès le début des Actes quand le groupe des sept est choisi pour venir en aide aux veuves et aux pauvres de langue grecque mais ils ne se limitent pas à cela. Étienne est décrit comme rempli de la grâce et de la puissance de Dieu, il accomplissait parmi le peuple des prodiges et des signes éclatants (Actes 6,8), décrit aussi comme discutant avec des gens de différentes synagogues. Et quand suite aux attaques d’Étienne contre le Sanhédrin, il est mis à mort en l’an 35, le groupe des Hellénistes s’enfuit de Jérusalem et les Actes nous montrent l’un d’eux, Philippe dans un travail d’évangélisation : Philippe, l’un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ (Ac 8,5-6).

 

Différences de religions aussi, le récit de la Pentecôte évoque les prosélytes : Juifs de naissance et prosélytes (dans le texte liturgique, le mot grec προσήλυτοι est traduit par convertis), Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu (Actes 2, 11) et plus loin dans les Actes : Une fois l’assemblée dispersée, beaucoup de Juifs et de convertis qui adorent le Dieu unique les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu. (Actes 13, 43). Les prosélytes étaient des gens embarrassants pour les Juifs, car à coté de ceux qui embrassaient totalement le judaïsme, d’autres restaient sympathisants sans observer toute la loi, demeurant en marge des communautés.

 

L’auteur des actes, Luc, cherche à faire un travail d’historien. Il écrirait cinquantaine à soixante ans après la mort de Jésus et met en valeur quelques événements marquants des premières années de l’Église. Il raconte les événements de Jérusalem, puis l’évangélisation de la Samarie, avant de se centrer sur le personnage de Paul. Ce que nous savons des origines du christianisme, c’est en très grande partie ce qu’on trouve dans les lettres de Paul et dans les Actes. Il faut être conscient qu’il existe des pans entiers des débuts de notre histoire qui sont perdus à jamais, faute d’écrits qui nous soient parvenus même s’il nous arrive encore de retrouver des documents non pas inconnus mais ignorés.

 

Persécution et mission

 

Les Actes nous font quitter Jérusalem pour des villes moyennes ou très grandes qui seront le théâtre de la mission de Paul, et principalement Antioche et Rome. Antioche, la troisième ville, en importance, de l’empire. Le passage des Actes qui nous raconte cet épisode est particulièrement intéressant : Les frères dispersés par la tourmente qui se produisit lors de l’affaire d’Étienne allèrent jusqu’en Phénicie, puis à Chypre et Antioche, sans annoncer la Parole à personne d’autre qu’aux Juifs. Parmi eux, il y en avait qui étaient originaires de Chypre et de Cyrène, et qui, en arrivant à Antioche, s’adressaient aussi aux gens de langue grecque pour leur annoncer la Bonne Nouvelle : Jésus est le Seigneur. La main du Seigneur était avec eux : un grand nombre de gens devinrent croyants et se tournèrent vers le Seigneur. La nouvelle parvint aux oreilles de l’Église de Jérusalem, et l’on envoya Barnabé jusqu’à Antioche. À son arrivée, voyant la grâce de Dieu à l’œuvre, il fut dans la joie. Il les exhortait tous à rester d’un cœur ferme attachés au Seigneur. C’était en effet un homme de bien, rempli d’Esprit Saint et de foi. Une foule considérable s’attacha au Seigneur. Barnabé partit alors à Tarse chercher Saul. L’ayant trouvé, il l’amena à Antioche. Pendant toute une année, ils participèrent aux assemblées de l’Église, ils instruisirent une foule considérable. Et c’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de « chrétiens » (Actes 11,19-26).

 

Ce texte nous montre la spontanéité de l’annonce de l’Évangile. Personne n’a envoyé des frères à Antioche c’est la persécution et les circonstances qui les y conduisent. À leur annonce un grand nombre de gens croient. Nous n’avons pas idée de ce que représente ce grand nombre de gens dans la ville immense de Corinthe. Mais on peut raisonnablement imaginer que s’y implante un certain nombre d’oïkos, de lieux, de maison où se rassemblent ceux qui ont foi en Jésus. On constate aussi la volonté de la communauté de Jérusalem de créer des liens, d’organiser, de structurer tout cela en envoyant des délégués Barnabé et Paul. On voit aussi comment ces communautés deviennent identifiables, comment on les distingue des autres juifs en les nommant « chrétiens ».

 

Quelle place pour les païens ?

Cette église d’Antioche est constitué de juifs et de non juifs et c’est un tournant décisif dans l’histoire du Christianisme. Et cela va être l’objet d’un débat important dans l’église primitive.

 

Il devait y avoir à Antioche des groupes de croyants qui ne rassemblaient que des juifs, attachés à la loi de Moïse et d’autres groupes mixtes, juifs et non juifs. Cette cohabitation va poser un certain nombre de problèmes pour lesquels il faudra trouver des solutions. C’est ce que nous racontent les chapitres 15 et 16 des Actes. Luc a sans doute stylisé, réécrit, simplifié cette histoire mais il est très probable que le fond, l’essentiel y soient. 

 

Des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un affrontement ainsi qu’une vive discussion engagée par Paul et Barnabé contre ces gens-là. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question (Actes 15,1-2). Circoncision, interdits alimentaires et d’autres, les sujets de friction ne manquaient pas.. Et c’est donc à Jérusalem qu’ils vont se régler lors de cette rencontre qui va devenir dans la tradition chrétienne, le concile de Jérusalem, le premier de tous les conciles.

 

Comme cela provoquait une intense discussion, Pierre se leva et leur dit : « Frères, vous savez bien comment Dieu, dans les premiers temps, a manifesté son choix parmi vous : c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage en leur donnant l’Esprit Saint tout comme à nous ; sans faire aucune distinction entre eux et nous, il a purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant, pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter ? Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, de la même manière qu’eux. » (Actes 15,7-11).

 

Pierre prend la parole puis c’est Barnabé et Paul qui racontent ce qui se passe. Toute la multitude garda le silence, puis on écouta Barnabé et Paul exposer tous les signes et les prodiges que Dieu avait accomplis grâce à eux parmi les nations. (Actes 15,12). Puis c’est Jacques, la voix des judéos-chrétiens, les plus attachés à la loi de Moïse qui s’exprime et propose un compromis : j’estime qu’il ne faut pas tracasser ceux qui, venant des nations, se tournent vers Dieu, mais écrivons-leur de s’abstenir des souillures des idoles, des unions illégitimes, de la viande non saignée et du sang.(Actes 15,19-20).

 

La décision est prise. Jude et Silas sont envoyés à Antioche pour rétablir la concorde : Ayant réuni la multitude des disciples, ils remirent la lettre. À sa lecture, tous se réjouirent du réconfort qu’elle apportait. Jude et Silas, qui étaient aussi prophètes, parlèrent longuement aux frères pour les réconforter et les affermir (Actes 15,30-32). Mais rien n’est facile, Paul et Barnabé en désaccord se séparent. Et dans la lettre aux Galates, Paul raconte comment Pierre de passage à Antioche ne respecte pas les décisions prises à Jérusalem. Quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort. En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive (Galates 2,11-13). Cela est le signe qu’il a fallut du temps, sans doute beaucoup de temps pour que ces questions se règlent.

 

Comment se crée une communauté chrétienne ? 

 

Ce passage du livre des Actes nous fait apercevoir ce que sera le paysages des communautés chrétiennes, de 50 à 200, depuis la seconde moitié du premier siècle jusqu’à la fin du second siècle ; une croissance rapide ; des communautés nombreuses et très variées. On pourrait croire que le christianisme des premiers temps était uni dans une même foi, les divisions arrivant plus tard. Or c’est un mouvement contraire : les premières communautés, au départ très diverses, se sont peu à peu unifiées, ont cherché à partager une vision du monde et une foi commune. 

 

Il s’est mis en place des familles ou regroupements de communauté chrétienne. On en a des exemples avec les Églises fidèles à l’apôtre Paul, ou aux 7 églises de l’Apocalypse. Mais entre ces regroupements ont subsisté des divisions, des conflits. Ce qui s’est passé autour de Paul est l’exemple que nous connaissons le mieux. Sa personnalité, son passé de persécuteur, lui vaut la méfiance, voire l’hostilité d’un certain nombre de communautés chrétiennes.

 

Comment se crée une communauté ? Paul l’évoque dans ses lettres. Quand il arrive dans une ville, il prêche l’Évangile, et fonde une communauté, quelques personnes ou quelques dizaines de personnes, dont les membres se rassembleront dans une maison privée. Il va les accompagner durant quelques mois, les instruire sur comment continuer, instituer des fonctions, des structures (1 Corinthiens 15). Puis Paul s'en va dans une autre ville, gardant le contact en envoyant des messagers, des lettres.

 

On connaît ses premiers temps du christianisme par les écrits des disciples de Jésus mais aussi par d’autres témoignages comme celui de Pline le Jeune, un légat impérial qui écrit en l’an 112 à l’empereur Trajan pour savoir que faire avec les gens dénoncés comme chrétiens. Pline décrit ces chrétiens, qui s’assemblent le dimanche avant le lever du soleil, entonnent des chants de louange au Christ, s’engagent à ne commettre ni vol, ni adultère, à ne pas manquer à leurs promesses, à rembourser leurs dettes, puis plus tard dans la journée à se retrouver pour partager un repas.

 

Une communauté, c’est donc un nombre assez restreints de personnes. Et dans une ville importante ou même moyenne, il peut y avoir des communautés crées par différentes personnes partageant la foi en Jésus-Christ, mais séparées par tant d’autres choses. D’où les conflits qu’évoque la lettre aux Corinthiens : Quand l’un de vous dit : « Moi, j’appartiens à Paul », et un autre : « Moi, j’appartiens à Apollos », n’est-ce pas une façon d’agir tout humaine ? (1 Corinthiens 3,4).

 

La guerre entre Juifs et Romains

 

Quand Paul meurt, probablement en l’année 64 à Rome, les communautés qu’il a fondées sont composées en grande majorité, de «gentils», c’est à dire des païens, des non juifs. Or de 66 à 74 survient une première guerre sanglante entre juifs et romains. Six ans après la mort de Paul, Jérusalem sera assiégée, prise, rasée, le temple détruit. Ses habitants massacrés ou déportés. À Rome l’arc de Titus garde aujourd’hui encore la mémoire de ces événements, représentant les symboles du temple comme le chandelier à sept branches amené comme trophée lors du défilé de la victoire. Nous connaissons bien les détails de cette histoire grâce à l’écrivain juif Flavius Josephe qui en fut un des acteurs.

 

La fin du Temple fut une épreuve tragique pour tous les juifs de Palestine mais c’est aussi un coup terrible pour la diaspora et pour toutes les communautés chrétiennes qui s’enracinaient dans le judaïsme. Imaginez, la situation de crise pour nos églises aujourd’hui, si le Vatican disparaissait. Les églises pauliniennes résisteront mieux que d’autres à cet événement. De plus, elles sont bien organisées, en croissance ; elles vont durer dans le temps. Paul a su s’entourer d’un réseau de collaborateurs de talent. Ce qui va aussi favoriser ces églises, ce sont les lettres que Paul a écrites. Après sa mort, elles ont continué à le rendre présent, à faire connaître et comprendre sa théologie. Ses disciples les ont rassemblées et faites circuler. Elles sont devenues un outil précieux pour la vie et l’organisation des églises.

 

Le christianisme johannique 

 

Pour toutes ces raisons et d’autres encore, les Églises qui portent les idées de Paul tiendront une place dominante dans les débuts du Christianisme. Mais il y avait d’autres églises. On connaît mieux depuis quelques années ce qu’on appelle le christianisme johannique qui tient son nom de l’apôtre Jean. Ces églises ont laissé un certain nombre d’écrits et pas des moindres. Ces écrits on les regroupe sous le nom de corpus johannique. On y trouve un évangile, trois épîtres ou lettres et l’Apocalypse. On attribue ces textes à des auteurs différents mais elles ont été mises sous un même nom celui de Jean, et semblent avoir une même provenance géographique, la région d’Éphèse en Turquie actuelle. Il y a eu au fil du temps chez les exégètes, les spécialistes de la Bible des désaccords, des affrontements quand à ces textes, leurs auteurs, les églises où ils ont été écrits. Il semble qu’on ait aujourd’hui les idées un peu plus claires et qu’on peut dire un certain nombre de choses sur ces églises johannique où serait né le texte de l’Apocalypse.

 

Ces communautés johannique sont enracinées dans le judaïsme. L’évangile de Jean et des quatre, le plus informé sur le judaïsme. Il rapporte un certain nombre d’épisodes de la vie de Jésus liés à la ville de Jérusalem et au Temple. Ce qui donne à penser que la première communauté johannique était implantée à Jérusalem et en Judée. Le Temple apparaît comme le lieu où Jésus révèle aux juifs sa nature divine et se mission. On peut dire que désormais le lien, la médiation entre Dieu et son peuple passe du Temple à Jésus. L’évangile nous présente aussi  des gens du peuple sans instruction religieuse et si l’on en croit le livre des Actes, c’est dans ces milieux populaires que s’est répandu l’Évangile. 

 

Malgré l’attachement à Jérusalem et au Temple, les communautés johanniques ne sont étendues. De Judée on est passé à la région voisine de Samarie. L’évangile de Jean donne une image très positive des samaritains qui par l’histoire sont des frères ennemis des juifs. Étendues aux samaritains mais aussi à des gens de langue et de culture grecque, juifs et non-juifs, dans la mesure où ils acceptaient un certains nombre de règles qui furent prises à Jérusalem en 49. Il y a dans l’Évangile de Jean une vision universelle du salut qui apparaît par exemple dans la rencontre de Jésus et de Nicodème : Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé (Jean 3,16-17).

 

Un des signes de la diversité de la communauté à laquelle s’adresse l’Évangile de Jean apparaît dans le soin qu’il met à donner des explications pour ce qui paraîtrait peu clair à qui n’a jamais mis pied en Palestine. Pour donner un exemple on précise dans le récit des noces de Cana, que l’eau transformée en vin le jour du mariage de Cana était destinées "à la purification des Juifs"

 

L’élargissement de la communauté nous conduira jusqu’en Asie Mineure, où les chrétiens johanniques  rencontreront un certain succès dans l’évangélisation des juifs qui habitent la région. L’Apocalypse est présentée comme destinée aux communautés chrétiennes de sept villes de cette région : Éphèse, le lieu central, mais aussi Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, et Laodicée, des églises qui semblent organisées en réseau et qui sont le lieu d’apostolat de l’auteur de ce livre qui porte le nom de Jean. Ce qui écrit dans l’Apocalypse, nous permet de nous faire une idée, sur ces églises johanniques, sur leur foi en Jésus et leur théologie, sur leur vision du monde, les différences, divergences qu’elles auront avec d’autres églises comme celle de Paul par exemple.

 

La place des juifs dans l’Empire romain

 

Comme l’évangile de Jean, l’Apocalypse va utiliser nombre des thèmes juifs tout en marquant une volonté d’ouverture au monde grec, indice d’une communauté mêlant à la fois des gens de culture juive et de culture grecque. Il faut dire ici un mot de la place et du statut des juifs dans l’empire romain, en Palestine où ils seraient un million mais aussi ailleurs dans ce qu’on appelle le diaspora où  leur nombre est estimé de 6 à 7 millions ce qui est considérable. Depuis longtemps, depuis les rois qui prirent la succession d’Alexandre le Grand qui meurt en 323 à Babylone, les juifs ont obtenu un statut particulier.  

 

L’un des ces rois Antiochos III avait installé dans cette région des communautés nombreuses et influentes. Par la suite les Romains confirmeront et étendront ces privilèges religieux et politiques. Les Juifs sont exemptés du service militaire. Ils lèvent l’impôt pour le temple. Ils sont dispensés de rendre un culte à l’empereur. Ils viennent en aide aux plus pauvres et aux plus faibles de leur communauté. Ils ont le pouvoir de juger dans leurs lieux de réunions, dans les synagogues leurs affaires et leurs contestations ... de se réunir, se gouverner, se juger entre eux, suivant leurs coutumes. Et c’est un point d’une grand importance quand ils jugeront des juifs qui ont embrassé le christianisme.

 

La synagogue de Satan

 

Être exclu de la synagogue, c’est perdre ce statut particulier des juifs. C’est une marginalisation et une rupture avec les racines juives. C’est perdre la liberté religieuse et être renvoyé à l’obligation de rendre un culte à César. On perçoit dans le livre de l’Apocalypse, les situations de conflit entre chrétiens et juifs, entre les premières églises et les synagogues. Au chapitre 2 : Je sais ta détresse et ta pauvreté ; pourtant tu es riche ! Je connais les propos blasphématoires de ceux qui se disent Juifs et ne le sont pas : ils sont une synagogue de Satan.(Apocalypse 2,9).

 

Il existe deux interprétations contradictoires de ce passage. Pour certains, la synagogue de Satan, ce sont pas des synagogues, mais des églises chrétiennes, celles de Paul qui accueillent des païens et qui à cause de cela seraient rejetées par les églises johanniques restées fidèles à la loi juive. Cette interprétation semble douteuse, vu l’ouverture importante de églises johanniques à des gens de langue et culture grecque. La synagogue de Satan renverrait donc bien aux conflits entre les premières communautés chrétiennes et les synagogues.

Les Juifs chrétiens une fois exclus de la synagogue, intègrent les églises où les païens devenus chrétiens sont nombreux, organisés et actifs, parfois d’un niveau social élevé. Ce ralliement ne se fera pas sans crainte, dans une société marquée par l’idolâtrie et le laxisme moral. Ces craintes expliquent l’attachement d’un certain nombre à défendre leur judaïté dans la foi au Christ, ce qui transparaît dans le livre de l’Apocalypse. Les églises d’Asie Mineure vont connaître des crises et des tensions entre ceux qui veulent abandonner les règles notamment alimentaires décidées des années auparavant par les apôtres et ceux qui veulent les maintenir. Il y avait dans les synagogues un devoir d’assistance fraternelle. Les juifs chrétiens de condition modeste ne pouvaient plus en bénéficier. Il fallait que les Églises prennent le relais, mais cela était rendus difficiles par les divisions qui traversaient les communautés. Nous reviendrons sur ces affrontement quand nous étudierons les lettres de Jean.

 

En conclusion

 

Nous avons maintenant rejoint les communautés chrétiennes où va s’écrire le livre de l’Apocalypse. En résumé et avec la part d’hypothèses qui demeure. Nous sommes dans la région d’Éphèse, à la fin du premier siècle sous le règne de Domitien. Un homme connu sous le nom de Jean est en exil sur l’île de Patmos. Il appartient à une communauté chrétienne ou se mêlent des gens de langues et de cultures juives et grecques, des juifs de Palestine et de la diaspora et des païens. Ces communautés sont traversées par des tensions internes dont certaines portent sur le respect ou non des adaptations à la loi juive décidées par Pierre, Paul et Jacques environ un demi-siècle plus tôt. Et ces communautés connaissent également des conflits tant avec les autorités du judaïsme, les synagogues, qu’avec le pouvoir romain. C’est dans ce contexte qu’est écrit ce livre de l’Apocalypse que nous sommes amenés à lire et à découvrir. 

 

Article publié par André-Benoît DRAPPIER • Publié le Lundi 15 février 2016 • 2867 visites

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